Sometimes we fail to say how hurt we are... Les histoires n'ont même plus besoin de début, de fin. Les histoires, ce ne sont que des interminables présents, des péripéties qui s'enchaînent jusqu'à la grande, celle qui ne s'achève pas. Celle qui s'arrête pas.
Un peu comme le train qui passe devant les yeux mordorés de Raphael. Il ne s'arrête pas. Peut-être que c'est sa vie qui court, devant lui. Tout avance, avance tellement vite. Il ne sait pas.
Il entend des gens autour de lui, des gens qui chuchotent, qui le pointent du doigt. Oui, il l'a raté, c'est ça. Il l'a raté. C'est pas bien grave.
Son histoire est un putain de train qu'il a toujours raté. Soit en retard, soit jamais arrivé. Debout, sur le quai de la gare d'un monde qui se redresse un peu plus chaque jour, dont les barrières sont de plus en plus ténues avec le monde moldu, il tremble un peu.
Il n'y retournera plus.
Il sait pourtant qu'il lui reste un an à tirer, qu'il faudrait qu'il l'attrape avant qu'il ne soit trop tard. Il n'a jamais déserté, il s'est toujours accroché. Sauf que ça fait tellement mal de s'accrocher à un train lancé à toute vitesse, quand les manches de votre veste blanche sont tachées de sang caillé.
C'est peut-être pour ça qu'on le désigne, planté sur le quai.
C'est peut-être pour ça qu'on le regarde s'éloigner, que les mots grandissent et s'épaississent derrière lui et le sac à dos rose qu'il porte sur son épaule droite.
C'est peut-être pour ça, peut-être pour le sourire calme qu'il arbore, sourire calme qui efface les traces sur ses joues.
Il y retournera pas.
Il s'en fout.
A la sortie de la gare, un homme l'attend. Dans ses yeux noirs, noirs comme de l'encre qui s'écoule d'un stylo percé, Raphael peut lire la compassion, le déni et pourtant l'amitié.
"C'est pas grave. On va trouver. T'as besoin de temps. "
Le train continue d'avancer, de s'éloigner de plus en plus loin du jeune blond qui hurle intérieurement. Ses poings sont serrés. Il continue son chemin, l'homme ayant une main sur son épaule. C'est compliqué l'école. C'est compliqué la vie, et quelquefois, se battre ne suffit pas. Il n'a pas pu y monter, cette année. La peur de se retrouver sans
eux. Le sentiment de tomber, tomber si bas qu'il ne sait plus quoi faire.
Alors, pendant qu'il imagine tout ses amis - Julian, Sam, tout ceux qui comptaient pour lui auparavant - dans le train, fiers et amusés, il marche dans les rues de Londres suivi par un homme aux vêtements verts. Il connaît le chemin par coeur, pour avoir passé son été autour de l'endroit.
Sainte-Mangouste.
Tout s'ouvre très vite. Premier étage, Services des blessures par créatures vivantes. Il ne peut retenir un sourire triste à l'idée qu'il est vu comme une créature vivante.
De toute manière, ils ne l'auraient pas accepté dans un autre hôpital.
Sa chambre l'accueille, individuelle et froide.
"Tu verras, tout va bien se passer."
Allez-y, continuez de mentir si vous pensez qu'un jour il pourra vous croire sans hésiter.
When the word we fear..."Tu étais où ? On était morts d'inquiétude !
- Raph, ne refais jamais ça !"
Les cris, les exclamations, au retour des vacances de Noël. Le petit sourire en coin, fatigué. Les cheveux en bataille, les rires forcés. Raphaël est de retour.
Tout le monde le croit sauvé. Dans un coin, deux filles n'osent pas le regarder, une ombre derrière elles gardant ses bras autour de leurs tailles fines.
Raphael apprend à sourire encore plus faux.
De toute manière, c'est sa dernière année. Tout ira mieux.
C'est obligé.
"Raphael ? Tu es sûr que tu peux rester ici ?
- Ne t'en fais pas, Hannah. Tout va bien.
- Mais ton dortoir...
- Ca va. Il a été changé. Et les sorts sont renforcés. "
Silence, à l'autre bout.
" Si t'as besoin, Alfie a dit que tu pouvais le joindre quand tu voulais. Moi aussi.
- Je sais. Je vais bien.
- Et eux ?"
La question soulève de la poussière. Le souffle de son demi-frère, à l'autre bout, se fait irrégulier.
"Pardon.
- C'est rien, Hannah. Je gère. C'est juste... Carl ...
- Je sais.
- Ca va. Je vais bien.
- D'accord, Raphy. Je te crois. Fais attention, d'accord ?
- Je fais toujours attention. A bientôt.
- Bien sûr. A bientôt."
Ce qui est bien, avec les téléphones portables, c'est qu'on a que le son.
Et les larmes, c'est si silencieux qu'on les entend pas tomber.
... Speaks treason. I feel a tap on my shoulder L'année passe rapidement. L'ancien élève joyeux, en contact permanent avec l'hôpital, travaille dur. Des contacts avec ses parents, père sang-pur, mère disparue et sang-mêlé. Sans doute démontée et découpée, un soir, dans un bar. Il avait appris à s'en passer.
Sa famille ne l'écoutait pas. Pourquoi l'aurait-elle fait ? L'idée générale était que l'enfant unique d'un mariage éphémère, trop faible pour se défendre, trop tête en l'air, trop décalé, un peu pervenche ou lilas, n'était pas fait pour la vie qu'ils lui voulaient.
Alors c'avait été "vas-y, fous ce que tu veux, tant que tu restes ici."
Il a 18 ans maintenant. Diplôme en poche, notes optimales là où il en a besoin. Il se tient sur le quai de la gare, le train va partir. Il sourit aux élèves qui montent dedans, mais ses yeux sont vides. Il suit du regard les jeunes qu'il connaît, leur adresse un signe de tête.
Et puis le train part.
Mais cette fois, il l'a vu partir.
Cette fois, il a décidé de ne pas monter dedans.
Cette fois, il sait où il va, ce qu'il veut faire, ce qu'il va arriver. Il se retourne vers l'homme en costume vert, toujours là.
"On y va."
C'est en étudiant qu'il passe à nouveau la porte de l'hôpital. L'enseignement y est dispensé. Et puis, ainsi, ils peuvent garder un oeil sur lui.
Il sait ce qu'il veut faire.
Il sait ce qu'il va faire. Infirmier. Pour qu'aucun train ne parte plus en laissant sur le bord de la vie des étudiants dépourvus.
Il avance. Même si ses vieux démons le hantent quelquefois. Il avance, même si les nuits sont agitées, les draps souvent poisseux de sueur au lever, même si ses yeux ne scintillent plus de joie simple et humaine. Il avance, parce qu'il sait que s'il recule, le train va partir.
7 ans d'étude.
C'est en infirmier qu'il reprend le train une nouvelle fois. Les cheveux en bataille, entouré d'enfants surexcités. C'est avec son passé, son histoire, tout ce qu'il ne voudra jamais révéler qu'il retourne à Poudlard.
Peu importe ce qui peut arriver.
But tonight I dance alone.