Allen Kalon

La clé tourna dans la serrure. L'homme était partit.
- Maman ?
- Chéri, retourne te coucher.
Le petit garçon remonta les marches jusqu'à sa chambre, la tête basse. Il n'aimait pas voir sa mère pleurer. Quand elle pleurait, son cœur à lui se serrait, les larmes montaient, il essayait du mieux qu'il pouvait de les retenir mais il n'y parvenait jamais. Sauf ce soir, il ne pleurait pas. Il avait compris. Son père était parti, c'était lui l'homme de la maison maintenant. Il ne pouvait plus se permettre de pleurer. Il devait prendre soin de sa mère.
Le temps passait lentement. Sa mère essayait de cacher sa tristesse. Lui faisait comme si tout allait bien. Il fallait que ça aille bien. Sa mère travaillait dur pour les garder à l'abri de leur petit appartement de banlieue, pour garder les assiettes pleines. Il s'en voulait de ne pas pouvoir l'aider. Il voulait arrêter l'école et travailler. Il était trop petit, on ne cessait de le lui répéter.
- Maman, aujour-
- Je ne veux pas parler. Mange.
Elle lui parlait de moins en moins. Elle était si triste, ne cessait-il de se répéter. Mais peu à peu, il comprenait. Ce n'était pas la tristesse qui avait tant changé le comportement de sa mère, mais la colère. Elle nourrissait doucement sa haine envers le père de son fils jusqu'à en haïr son fils lui-même. Bientôt, ce n'était plus seulement son fils qu'elle reniait mais tous les hommes en général. Elle s'isolait, gribouillait des pages et des pages de dessins plus sombres les uns que les autres. Elle s'était enfermée dans son propre enfer.
- Qu'est-ce que tu fais ?
Elle venait de débarquer dans la cuisine en t-shirt et culotte, les cheveux en bataille, du mascara dégoulinant de ses yeux fatigués.
- Le dîner.
Allen était habitué à la nouvelle allure de sa mère.
- ARRETE !
Le cœur d'Allen rata un battement et l'eau bouillante des pâtes jaillit subitement – toute seule – hors de la casserole pour éclabousser toute la cuisine. Le garçon en gardera une marque dans la nuque.
Pourquoi sa mère avait-elle hurlé après lui de cette façon ? Qu'avait-il fait de mal ? Il avait simplement voulu faire à manger pour eux, pour qu'elle n'ait pas à le faire, pour qu'elle n'ait pas à s'occuper de lui. Pour qu'elle ne le considère plus comme un fardeau.
- Je veux aller chez Papa, laissa-t-il échapper dans un sanglot douloureux.
La peine et l'eau bouillante lui faisaient terriblement mal. Pas assez, apparemment, puisqu'un poing vint s'abattre sur son visage. Ce fut le premier coup d'une longue série. Il s'évanouit avant la fin. Quand il se réveilla, ce fut dans une chambre d'hôpital. A ses côtés, assise dans un fauteuil, une vieille dame au sourire coincé se voulant bienveillant.
Il passa deux ans en orphelinat. Deux longues années durant lesquelles le garçon avait appris à ne plus faire attention aux autres. Il en voulait terriblement à sa mère et pourtant il s'était isolé de la même façon qu'elle. Il avait essayé de reprendre contact avec son père mais celui-ci ne voulait plus aucun contact avec le bâtard qu'il avait osé considéré un temps comme son fils. L'homme avait sa nouvelle famille en Australie. Allen était seul. Le dégoût de l'injustice lui tenait les mâchoires.

- SERPENTARD !
Allen rejoignit la table à la bannière verte et argent. Cette école était surprenante. Une école de magie ? Un sorcier, lui ? Il était bien arrivé des choses étranges – cela devait être pour cette raison d'ailleurs que sa mère l'avait abandonné – mais jamais il n'avait imaginé pareille folie.
- Ça fait quoi d'être un moldu ? Ça fait pas mal ?
Les rires fusèrent. Il y avait toujours un groupe d'idiots pour se moquer. Allen ne répondait pas. Du moins jusqu'à ce qu'il reçoive une mauvaise remarque sur ses parents et qu'il casse la figure de chaque membre du groupe. Il avait eu son temps pour s'entraîner à se battre. Cela l'avait aidé à canaliser sa colère bien avant Poudlard.
Le garçon, devenu jeune homme, n'avait aucune idée de ce qu'il ferait après Poudlard. Il avait encore un an pour y réfléchir. Il n'avait pas tellement envie d'y penser. Qu'avait-il en dehors de Poudlard ? Si au début il pensait ne rien avoir au sein du château non plus, son avis avait changé à son entrée en deuxième année. Il avait découvert la fille d'une amie de sa mère qu'il n'avait pas vu depuis ses sept ans. Il avait toujours cru que c'était sa cousine. Ils avaient tous les deux décidés de continuer ainsi. Cette fille n'était pas banale mais c'était sa famille. Allen avait un cœur à protéger les gens qu'il aimait, aussi rares que ceux-ci étaient. Si sa vie avait pris un tournant tragique des années auparavant, une once de bien grandissait depuis toujours dans son cœur. Cependant, cela prendrait du temps avant que la colère et la peine ne s'effacent complètement.